Le voyage dans le passé de Stefan Zweig

En 2014, j'avais adoré Une promesse, adapté de cette nouvelle par Patrice Leconte. Je m'étais dit à l'époque qu'il faudrait que je la lise mais je la trouvais en librairie, ensuite ça m'est sorti de l'esprit. Et là en flânant dans une petite librairie, je tombe dessus. Coup de chance. 
Louis, jeune homme pauvre mû par une volonté fanatique tombe amoureux de la femme de son riche bienfaiteur, mais il est envoyé au Mexique pour une mission de confiance. La Grande Guerre éclate. Ils ne se reverront que neuf ans plus tard. L'amour résiste t-il à tout ? 

Stefan Zweig (1881 – 1942) est un écrivain, dramaturge, journaliste et biographe autrichien.
Élevé à Vienne, sur le Ring, dans une atmosphère bourgeoise et conformiste, Zweig s’intéresse aux poètes, en particulier Rainer Maria Rilke et Hugo von Hofmannsthal et s’essaie lui-même très tôt à l’écriture. Il compose plusieurs poèmes, réunis dans un recueil, Les Cordes d’argent, publié en 1901. Il commences ses voyages en Europe et découvre l'avant-garde, de Dostoïevski à Munch. À son retour à Vienne, il défend sa thèse sur Hippolyte Taine, philosophe et historien français, ce qui lui confère le titre de docteur en philosophie. Il parcourt l’Europe, puis l'Inde et l'Amérique du Nord en poursuivant ses activités d’écrivain et de traducteur, notamment de Verlaine et Verhaeren. Après une tentative théâtrale avec sa pièce Thersite, Zweig rencontre en février 1910 l’écrivain français Romain Rolland, dont il partage les idéaux paneuropéens et avec qui il échangera une abondante correspondance.
À trente ans, Zweig s'éprend de Friderike Maria von Winternitz (1882-1971), déjà mariée et mère de deux filles. Il poursuit ses voyages et entame un ouvrage sur Dostoïevski. Au début de la première guerre mondiale, il rédige des articles dans lesquels il prend parti pour l’esprit allemand, avant de retrouver bientôt la trace de ses idéaux de fraternité et d’universalité. Jugé inapte au front, il est enrôlé dans les services des archives militaires. Envoyé sur le front polonais pour collecter des documents d'archives, il a l’occasion de constater concrètement ce que la guerre entraîne de souffrance et de ruine. À cette période, encouragé par son ami Léon Bazalgette, son style perd en ésotérisme pour gagner en réalisme. En 1919, en compagnie de Friderike et de ses filles, il s’installe à Salzbourg, déterminé à « travailler davantage ». Les années 20 le voient effectivement se consacrer à une production abondante : ce seront Trois Maîtres (Balzac, Dickens, Dostoïevski), Le Combat avec le démon (sur Kleist, Hölderlin et Nietzsche) enfin Trois poètes de leur vie (essais sur Stendhal, Casanova et Tolstoï) ; viendra plus tard La Guérison par l’esprit (sur Freud, — à qui il fait lire ses nouvelles avant parution et dont il rédige l’oraison funèbre en 1939 —, Franz-Anton Mesmer et Mary Baker Eddy). Polyglotte accompli, Zweig traduit de nombreuses œuvres de Charles Baudelaire, Arthur Rimbaud, Paul Verlaine, John Keats…
Ses publications et ses conférences apportent à Zweig la célébrité, qui commence par sa nouvelle Amok, publiée en 1922. Dès lors, tous ses ouvrages sont des succès de librairie. Sa notoriété grandit et le met à l’abri des soucis financiers. Il s’épuise dans d’interminables tournées, ne trouvant le repos que dans l’isolement de sa villa à Salzbourg auprès de Friderike. Là, il reçoit ses amis, écrivains, musiciens, penseurs, d’où qu’ils viennent. Il consacre une grande part de son temps et de ses revenus à sa collection de manuscrits, de partitions et d’autographes. Elle constitue un véritable trésor, qui sera confisqué par les nazis, dispersée et en grande partie détruite.
À l’aube de la cinquantaine, Zweig subit l’usure du couple avec Friderike. Il entreprend un ouvrage sur Marie-Antoinette. La prise de pouvoir d'Hitler l'inquiète mais il ne prend pas ouvertement position. Un autodafé a lieu à Berlin, ses œuvres en sont aussi victimes. Sa neutralité est mise à mal lorsque l’Autriche succombe à la répression politique. Suite à une perquisition chez lui en 1934, il part pour Londres où il entreprend une biographie de Marie Stuart. Il entame une liaison avec Lotte -Charlotte Altmann- (1908-1942), sa secrétaire, tandis que Friderike refuse de le rejoindre à Londres, jugeant non fondées ses appréhensions. En 1936, Zweig accepte l’invitation de se rendre au Brésil, où il est accueilli avec tous les honneurs. Lors de l'Anschluss en 1938, il perd sa nationalité autrichienne et devient un réfugié politique. Il demande et reçoit son certificat de naturalisation britannique. Entre temps, il a rompu avec Friderike et a épousé Lotte. C’est avec elle qu’il quitte l’Angleterre en 1940. Cédant de plus en plus au désespoir, il se plonge dans le travail. Avant de partir, il laisse un roman La Pitié dangereuse, paru en 1939. Il se rend en Argentine et en Uruguay pour une série de conférences. Il revient ensuite à New York, en mars 1941, pour la dernière fois. Il y revoit Friderike, qui a réussi à émigrer aux États-Unis. Zweig demeure quelques mois là-bas et fréquente ses vieux amis, expatriés comme lui. De retour au Brésil durant l’été, il entreprend la rédaction de ses mémoires. Ce texte, dont il expédiera le manuscrit à son éditeur la veille de son suicide, sera publié deux ans après sa mort sous le titre Le Monde d'hier. Souvenirs d'un Européen et constitue un véritable hymne à la culture européenne qu'il considérait alors comme perdue. Avec l’entrée en guerre des États-Unis en décembre 1941, il perd de plus en plus espoir. Il n’en continue pas moins son œuvre, dont Le Joueur d’échecs. En février, il reçoit le coup de grâce en apprenant la chute de Singapour. Hanté par l'inéluctabilité de la vieillesse, ne supportant plus l'asthme sévère de Lotte et moralement détruit par cette guerre, il se suicide avec son épouse le 22 février 1942. Il aura droit à des funérailles nationales lors de son enterrement à Petrópolis. 

Un livre pour une nouvelle d'une cinquantaine de pages, c'est beaucoup. C'est pourquoi l'éditeur y a joint la version originale du texte ainsi qu'une assez longue et tout à fait intéressante biographie de Stefan Zweig, qu'au final, je ne connaissais pas, bien que j'ai lu, il y a un certain temps, sa biographie de Marie-Antoinette. 
Cette nouvelle, élégante, peut être difficile à aborder car Zweig emploie une langue soutenue et fait des phrases vraiment longues auxquelles on n'est plus habitués. Juste le temps de s'y réhabituer que c'est déjà fini. Elle se divise en deux temps, le présent et les flashbacks de Louis (Ludwig en V.O). Ce jeune homme, ambitieux et travailleur, s'éprend de la femme de son employeur, un homme qu'il respecte. Il ne l'a pas souhaité, refuse longtemps de l'admettre puis se laisse emporter par une passion irraisonnée. De retour bien des années plus tard, il revient demander l'exécution d'une promesse qu'elle lui avait faite. Pourtant, le passé ne revient pas et les retrouvailles sont amères. Le portrait de la femme du conseiller est intéressant. C'est une figure maternelle qui inspire un amour passionné. Généreuse, bienveillante, elle aime en premier, et sans doute en dernier, mais n'impose rien, accepte la vie avec une sérénité qu'on lui envie. On devine entre eux une entente intellectuelle. Et pendant dix jours, une entente physique, bien qu'inaboutie. Pourtant, lorsque les corps se retrouvent, ils ne peuvent se rapprocher.
Le décryptage des émotions et des sentiments, pour précis qu'il soit, manque de la passion qu'il décrit. Je ne me suis pas sentie emportée. En revanche, la mélancolie de l'ensemble m'a touchée. La corrosion des sentiments ne peut qu'attrister mais si les personnages sont malheureux de ne pas réussir à véritablement renouer les liens d'antan, sont-ils malheureux de façon générale ? Sans doute quelques développements supplémentaires auraient pu mieux satisfaire ma curiosité. 

7/10


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Indiana Jones et le cadran de la Destinée de James Mangold / Poussiéreux /

Farang de Xavier Gens / Minimaliste /

Une nuit d'Alex Lutz / Beau /