Un peu de soleil dans l'eau froide de Françoise Sagan

J'ai trouvé ce Sagan juste avant de partir en vacances pour Noël, c'était parfait. 
Gilles, un brillant journaliste parisien, fait une dépression. Il décide de quitter Paris, trop cynique et trop gai, pour se reposer auprès de sa sœur dans le Limousin. Et c'est là-bas qu'il rencontre Nathalie Sylvener, une femme mariée, entière, sincère qui tombe aussitôt amoureuse de lui.

Voici une brève notice biographique de l'auteur. Pour le pavé, vous pouvez vous reporter à mon article sur Le garde du cœur.
Françoise Sagan (1935 – 2004) écrit Bonjour tristesse en 1953. Elle obtient le prix des Critiques et connaît un succès immédiat. Happée par le succès et l'argent, fascinée par le jeu et les voitures, elle épouse en 1958 l'éditeur Guy Schoeller dont elle divorce en 1960 pour se marier deux ans plus tard avec Robert Westhoff, avec qui elle a un fils, Denis, en 1962. Le couple se sépare en 1972. Son grand amour, la styliste Peggy Roche fut, jusqu'à sa mort en 1991, sa compagne. Sagan écrit une vingtaine de romans : 30 millions de livres vendus en France. Le théâtre tient une place importante dans son œuvre mais avec un succès en dents de scie. La romancière avait rédigé son épitaphe : "Sagan, Françoise. Fit son apparition en 1954, avec un mince roman, Bonjour tristesse, qui fut un scandale mondial. Sa disparition, après une vie et une œuvre également agréables et bâclées, ne fut un scandale que pour elle-même."

Ce roman oppose deux personnages, deux caractères. Sagan nous présente d'abord longuement Gilles et sa dépression. Journaliste fêtard, il se déteste, lui et sa vie, sans doute parce qu'il lui reste un fond de lucidité et qu'il perçoit toutes ses insuffisances. Il pourrait aimer Éloïse, jolie mannequin avec qui il vit. Mais non, ce n'est qu'une passade qui dure. Il finit par aller se reposer chez sa sœur, où il s'ennuie tout autant qu'à Paris, incapable de se supporter, jusqu'à sa rencontre avec la belle madame Sylvener, bourgeoise provinciale éprise d'absolu. Car si Gilles est inconstant et velléitaire, Nathalie se révèle fascinante. Son intégrité totale foudroie, jusqu'au drame, inévitable. 
L'auteur décrit précisément les symptômes de la dépression, qui ne lui était pas étrangère. De ce fait, son roman manque de la légèreté ironique qui fait le charme de la plupart de ses œuvres, sa petite musique s'en trouvant un peu plus grave. Elle sait retranscrire l'atmosphère des nuits parisiennes, d'une époque où une femme non mariée vivant avec un homme était une maîtresse imprésentable à une légitime épouse, où l'on citait des auteurs dans les dîners chics ; cette époque où il existait encore des demi-mondaines, présentes autant pour la passion charnelle que pour jouer les oreilles attentives et compatissantes. 
On peut se demander ce qui déraille dans cette histoire d'amour. Il semble que ce soit également ce qui amoindrit le roman : Gilles, journaliste sans culture ni passion autre que lui-même, que la nouveauté émerveille jusqu'à ce qu'elle se fane, devienne le quotidien. Tout le monde pourtant le met en garde : Nathalie est trop bien pour lui. trop entière, trop sincère, trop intelligente, trop cultivée, trop généreuse. Même son meilleur ami le pense, bien qu'il soit fasciné par ce dilettante de la vie dont la cruauté, au fonds, le ravit. 
Au final, Sagan compose un roman en demi-teinte : passionnant dès que Nathalie apparaît alors même qu'elle ne paraît que du point de vue de son amant, agaçant quand on assiste aux atermoiements sans fin de Gilles, frustrant quand on comprend que cet imbécile va tout gâcher, inévitablement. 

6,5/10

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