Mes 15 tops 2019
Cette année, pas de 9,5 ni de 10, mais des 9 et des 8,5, presque à égalité. J'ai classé les films par ordre d'affection.
Les
incognitos de Nick Bruno et Troy Quane // Punchy et drôle //
28 décembre
2019
Le super
espion Lance Sterling et le scientifique Walter Beckett ont des
personnalités radicalement opposées. Alors qu’une mission tourne
mal, Walter et Lance vont devoir unir leurs forces. Si ce duo
excentrique ne parvient pas à s’entraider, le monde est en danger.
Dans le lot
des dessins animés de fin d'année, voilà une très bonne surprise.
Mêlant à la fois action, humour et pacifisme, ce film offre une
avalanche de gags entre deux scènes mouvementées. Inventif –
j'adore l'effet chaton + paillettes – il pastiche James Bond avec
succès tout en posant une question fondamentale : faut-il combattre
le mal par le mal au nom de l'efficacité ? Bien doublé, il
bénéficie d'un rythme effréné et de personnages attachants :
Sterling et Beckett mais aussi leur poursuivante déterminée, Marcy,
et surtout le méchant, très méchant et assez charismatique.
L'animation, sans être dingue, s'avère de bonne facture. Il manque
sans doute un supplément d'âme pour toucher du doigt la perfection.
8,5/10
Glass
// Fascinant //
18 janvier
2019
David Dunn -
l’homme incassable - traque La Bête, surnom donné à Kevin Crumb
depuis qu’on le sait capable d’endosser 23 personnalités
différentes. Ils se retrouvent dans le même hôpital psychiatrique
que l'homme souffrant du syndrome des os de verre, Elijah Price.
Je ne me
souviens guère d'Incassable, je ne suis même pas sûre de l'avoir
vu en entier. J'ai bien aimé Split malgré sa bizarrerie.
J'attendais ce troisième volet avec une certaine impatience. Et je
ne suis pas déçue. Si le film connaît les chutes de rythme
habituelles chez Shyamalan, il fait naître une réelle tension qui
va croissant jusqu'à un climax qui s'avère tout à fait différent
de ce à quoi je m'attendais. L'impressionnant James McAvoy démontre
sa grande maîtrise des alter-egos de Kevin, parvenant à le rendre
attachant -et cela relève du miracle. Bruce Willis se glisse presque
vingt ans après dans la peau très résistante de David Dunn,
discret mais sympathique et Spencer Treat Clark reprend le rôle de
son fils non sans charme. Samuel L. Jackson s'amuse de son rôle
machiavélique. Anya Taylor-Joy et Sarah Paulson réussissent toutes
les deux à être assez inquiétantes, l'une à cause de son étrange
syndrome de Stockholm, l'autre par son caractère vénéneux. Le
réalisateur traite ses thèmes fétiches : la croyance, la foi,
l'anormalité. Les super-héros existent-ils ? Et par extension, les
héros tout court ? Et il le fait avec intelligence, malice et
originalité dans un scénario travaillé via une réalisation
immersive. Un thriller psychologique qui réfléchit sur les
super-héros. Inclassable mais brillant.
8,5/10
Rebelles
// Réjouissant //
13 mars 2019
Sans boulot
ni diplôme, Sandra, ex miss Nord-Pas-de-Calais revenue s'installer
chez sa mère à Boulogne-sur-Mer, est embauchée à la conserverie
locale. Elle tue accidentellement son chef trop entreprenant. Avec
deux autres filles témoins de la scène, elle découvre un sac plein
de billets dans le casier du mort.
Il y a du
Lautner dans cette réjouissante comédie joyeusement macabre où les
gifles pleuvent et où l'humour noir est bien présent. Dommage que
ce dernier n'aille pas plus loin car malgré un sourire quasi
permanent, on rit peu aux éclats. Cécile de France excelle dans le
rôle de la pétasse qui s'y croit bien qu'elle ait raté sa vie, la
vulgarité lui sied. Yolande Moreau et Audrey Lamy complètent ce
trio aussi drôle que pathétiquement dangereux. Simon Abkarian joue
encore les voyous, tandis que le rôle du flic sexy revient à Samuel
Jouy. Doté d'une B.O au top, le scénario, très énergique, ne
connaît aucun temps mort et vante la solidarité féminine. Le
spectateur jubile à voir ces victimes de la société se rebeller
sans le moindre remord.
8,5/10
Deux
moi de Cédric Klapisch // Délicat et sensible //
13 septembre
2019
Rémy et
Mélanie ont trente ans et sont voisins sans se connaître à Paris.
Elle multiplie les rendez-vous ratés sur les réseaux sociaux
pendant qu'il peine à faire une rencontre. Tous les deux victimes de
la solitude des grandes villes. Deux individus, deux parcours.
Je ne savais
pas trop à quoi m'attendre. Je suis agréablement surprise. Je me
suis reconnue dans ces trentenaires isolés dans la grande ville,
connectés au vide et à leurs névroses. Ana Girardot et François
Civil amènent tous les deux des nuances intéressantes sur le même
thème face à Camille Cottin et François Berléand en psys
différents mais dispensant le même message : "faites confiance
à la vie, soyez positifs, rencontrez les gens en vrai". Quant à
Simon Abkarian, il campe ce drôle de parrain urbain qui prend soin
du voisinage à sa façon. Car le quartier de la gare du Nord a son
importance, tant dans la géométrie du montage que dans le propos
résolument plein d'espoir malgré le constat amer. Ce film, d'une
intéressante humanité, peint son portrait parallèle par touches
habiles, parfois décalées, sensibles, humoristiques et émouvantes.
Une thérapie en soi.
8,5/10
Nous
finirons ensemble de Guillaume Canet // Savoureux //
1er
mai 2019
Préoccupé,
Max est parti dans sa maison au bord de la mer pour se ressourcer. Sa
bande de potes débarque par surprise pour lui fêter son
anniversaire. La surprise est entière mais l’accueil l’est
beaucoup moins...
Quand une
suite sort, je suis toujours un peu inquiète. Ce n'est pas facile
d'égaler un premier opus qui était bon et qui a marché sans
refaire le même, sans lasser, surtout qu'il faut compter sans
l'effet de surprise ou de nouveauté. Ici, j'ai retrouvé la bande du
Cap Ferret avec plaisir. Ils ont vieilli, un peu mûri, et parfois
ils sont déchaînés, pire que leurs ados qui, eux, se tiennent
bien. La sous-intrigue autour de Véronique - formidable Valérie
Bonneton - est un peu artificielle mais elle permet à José Garcia
un agréable moment. Cette fois encore, ils s'interrogent sur
l'amitié, qui évolue, sur l'amour et la vie en générale. François
Cluzet aurait pu être un peu plus canalisé, il hyperventile pendant
la moitié du film face à un Gilles Lellouche, force tranquille,
aussi marrant que touchant, et séduisant - oui, j'avoue un petit
faible et alors ? - la paternité lui sied. Benoît Magimel passe du
temps à pleurnicher mais il parvient à rendre Vincent émouvant et
sympathique. Marion Cotillard incarne une Marie furieuse, en colère
contre le monde entier, trouvera peut-être une forme d'apaisement.
Quant à Pascale Arbillot, solaire, son personnage prend enfin toute
sa place. Le personnage de Lafitte m'agace assez, alors que "Mary
Poppins" est hilarante. L'intrigue, encore un peu ténue, conte,
sur fond de musique pop et dans un décor magnifique, les aventures
et mésaventures de cette bande, chahutée, parfois désarticulée,
et pourtant unie. Problèmes de riches ? Oui et non, et pas que. La
plupart des personnages n'ont, il est vrai, pas de problème
financier. Ne connaissent-ils pas pourtant les mêmes émotions, les
mêmes envies, les mêmes ratages, les mêmes désaveux, les mêmes
peines et les mêmes bonheurs que ceux qui en ont ? Tantôt drôle,
tantôt touchant, le film donne une saveur particulière à ce récit
savoureux, à la fois sucré et amer.
8,5/10
Les
crevettes pailletées de Cédric Le Gallo et Maxime Govare //
Fantaisiste et drôle //
10 mai 2019
Après avoir
tenu des propos homophobes, Mathias Le Goff, vice-champion du monde
de natation, est condamné à entraîner "Les Crevettes
Pailletées", une équipe de water-polo gay, davantage motivée
par la fête que par la compétition. Cet explosif attelage va alors
se rendre en Croatie pour participer aux Gay Games...
Entre le
titre et l'affiche, j'ai failli fuir mais la bande annonce m'a
convaincue. J'avais peur que ce soit "too much". Il s'avère
que ça l'est un peu mais surtout c'est hilarant. Les répliques
fusent entre ces adolescents attardés qui profitent de leur
parenthèse aquatique pour se lâcher ; je suppose qu'ils sont moins
trash quand ils bossent, professionnalisme oblige. Du coup, les
dialogues sont crus et l'humour pas toujours d'une grande finesse,
mais bizarrement ce n'est pas si vulgaire, disons plutôt outrancier.
Hauts en couleur, attachants, les personnages s'aiment, s'engueulent,
font un peu de sport, s'envoient en l'air, en parlent, font la fête,
sous nos yeux amusés et parfois un rien ébahis. A mon sens, ce qui
Nicolas Gob, dans le rôle du bourrin qui s'ouvre un peu, et Alban
Lenoir, dans celui qui doit lui ouvrir les portes d'un monde nouveau,
accompagnés d'une bande aussi joyeuse que dépareillée, font
merveille. Dommage, la prise de son s'avère parfois mauvaise,
surtout au début, ça casse l'ambiance et ça sort le spectateur du
film. Prévisible, le film prêche la tolérance, c'est évident,
mais aussi l'amitié et la légèreté comme réponse à un monde
extérieur étouffant. La rupture de ton du final surprend un peu –
beaucoup – mais parvient à émouvoir, comme si la victoire ne
pouvait être que teintée d'amertume. Extravagante sans être
caricaturale, pleine de fantaisie, cette comédie donne le sourire
sous la pluie.
8,5/10
Doctor
Sleep de Mike Flanagan // Envoûtant //
2 novembre
2019
Encore
profondément marqué par le traumatisme qu'il a vécu enfant à
l'Overlook Hotel, Dan Torrance a dû se battre pour tenter de trouver
un semblant de sérénité. Mais quand il rencontre Abra, une
adolescente aux dons extrasensoriels, ses vieux démons resurgissent.
Je n'aime
pas Shining, le film, comme le film, m'ennuie. Je me suis laissée
séduire par Doctor Sleep sans avoir lu le roman. Peut-être me
laisserai-je tenter...
Je ne me
suis pas aperçu que le film durait 2h30, c'est bon signe. Il souffre
d'un léger ventre mou en son milieu quand on s'impatiente de voir
les personnages se rencontrer, mais il reste bien mené, notamment
grâce à quelques séquences fortes qui font frissonner voire
horrifient franchement. L'atmosphère s'avère particulièrement
réussie, à la fois tendue et onirique. J'ai pensé à La caravane
de l'étrange et à From out of the rain de Torchwood, bien sûr à
Shining mais Flanagan a su s'émanciper de l'œuvre de Kubrick. Ewan
McGregor campe un homme aussi puissant que paumé, si bien qu'il a
besoin de l'énergie de Kyliegh Curran, et de son ambivalence, pour
se sortir de sa torpeur. La troupe offre presque plus d'intérêt :
la fascinante Rebecca Ferguson, l'inquiétant Zahn McClarnon et la
non moins inquiétante dans la candeur Emily Alyn Lin. S'il semble
s'éloigner un peu du roman, le scénario, bien construit, amène ce
qu'il faut pour réjouir le spectateur.
8,5/10
Edmond
// Enthousiasmant //
12 janvier
2019
1897, Paris.
Edmond Rostand, jeune auteur, n’a rien écrit depuis deux ans. En
désespoir de cause, il propose au grand Constant Coquelin une pièce
nouvelle, une comédie héroïque, en vers, pour les fêtes. Seul
souci : elle n’est pas encore écrite.
Pour ne pas
être écrite, cette pièce, elle ne l'est pas ! Le film raconte son
écriture, entre deux répétitions, et surtout entre deux verveines.
Edmond Rostand est un auteur attachant, à la recherche de
l'inspiration, entouré de personnages loufoques qui l'inspirent, du
patron de café à son meilleur ami grand séducteur devant
l'éternel, en passant par le grand comédien ou l'habilleuse. Le
casting, Solivérès, Gourmet, Seigner, Leeb, Boujenah, Gotesman, est
dingue et brillant. Les dialogues, très écrits, piquants, drôles,
enlevés, donnent corps à cette transposition au cinéma d'une pièce
de théâtre à succès sur la création artistique. Si les
reconstitutions en extérieur sont trop artificielles, celles en
intérieur s'avèrent réussies. Il y a du souffle dans ce film
truculent et plein de charme.
8,5/10
Grâce
à Dieu // Nécessaire, puissant //
23 février
2019
Alexandre
vit à Lyon avec sa femme et ses enfants. Un jour, il découvre par
hasard que le prêtre qui a abusé de lui aux scouts officie toujours
auprès d’enfants. Il se lance alors dans un combat, rejoint par
François et Emmanuel, également victimes du prêtre, pour «
libérer leur parole » sur ce qu’ils ont subi. Mais les
répercussions et conséquences de ces aveux ne laisseront personne
indemne.
Je ne suis
pas fan de ce genre de film mais j'ai pensé qu'il fallait le voir.
J'avais raison. Ce n'est pas un film mais trois-en-un car on suit
presque séparément les trois personnages principaux, avec trois
ambiances différentes. Le sujet, grave et difficile, méritait un
traitement délicat. Ozon aurait pu se planter, heureusement, il a
mis ce qu'il fallait de finesse dans son scénario et sa caméra.
Devant celle-ci, les acteurs, Melvil Poupaud, subtil, Denis Ménochet,
tout de colère rentrée, Swann Arlaud, à fleur de peau, Éric
Caravaca, solide, en tête, sont excellents. Ils ont la lourde charge
de porter, avec émotion mais sans pathos, l'histoire de personnes
existant réellement, le drame de leur enfance, ainsi que ses
répercussions sur leur vie d'adulte et celles de leurs révélations
sur leur famille. C'est aussi un film pour réformer l'Église, pour
la mettre face à ses failles et questionner la foi, le pardon, la
justice. Je regrette que la fin soit si abrupte et laisse un goût
d'inachevé. Haletant, dur, anxiogène, et absolument nécessaire.
9/10
Les
baronnes d'Andrea Berloff // Très réussi //
22 août
2019
New York,
1978. Hell's Kitchen, un quartier mal famé, est tenu par la pègre
irlandaise. Lorsque leurs maris sont envoyés en prison, Kathy, Ruby
et Claire, épouses de mafieux, reprennent en main les affaires
familiales.
Surfant sur
la vague féministe qui déferle sur Hollywood avec plus ou moins de
succès, plus ou moins de profondeur, Andrea Berloff propose un film
doté de personnages féminins à poigne faisant face à des hommes
lâches, dépassés, voire bêtes et méchants. Elle a soigné sa
reconstitution de la fin des années 70 sur une B.O extra. Le
scénario, bien ficelé, tient en haleine jusqu'au bout grâce à un
rythme et un suspense maîtrisés. Melissa McCarthy, Tiffany Haddish
et Elisabeth Moss tiennent leur rôle avec précision et subtilité.
Elles campent merveilleusement ces femmes obligées de se montrer
fortes et de trouver en elles des ressources insoupçonnées.
Domhnall Gleeson joue un type mystérieux assez sexy. Au-delà du
propos féministe assaisonné d'humour, la trame s'avère assez
classique pour ce polar violent réussi.
9/10
Le
dindon de Jalil Lespert // Drôlissime //
28 septembre
2019
Monsieur de
Pontagnac a eu un coup de foudre pour une jolie jeune femme,
Victoire, la femme d’un de ses amis, Vatelin. Et si le notaire le
prend plutôt bien, Victoire, elle n’est pas si simple à
manipuler.
Adapter une
célèbre pièce de Feydeau, ce n'est pas évident. Lespert s'est
lancé dans une entreprise casse-gueule, disons-le. Et il s'en tire
avec brio. Replacée dans le contexte et les décors - kitchs - des
swinging sixties, l'intrigue paraît toujours d'actualité, même si
certains comportements n'auraient plus cours aujourd'hui -
heureusement d'ailleurs. Ça m'a rappelé les films de Louis de Funès
et ce n'est pas un petit compliment. Le casting s'en donne à cœur
joie, notamment Alice Pol, formidable, Guillaume Gallienne, imparable
en séducteur, Laure Calamy en bourgeoise pas si cruche, Camille
Lellouche en prostituée rigolote. La présence d'Henri Guibet ajoute
une touche sixties. Si le premier acte finit par s'essouffler, les
deux suivants revigorent le propos. Les dialogues sont hilarants, de
mêmes que les innombrables quiproquos, absolument pas crédibles
mais si délicieux. Les portes claquent, les mains se baladent, des
mensonges volent. Rien n'est révolutionné, rien n'est inventé,
mais c'est si léger, si amusant que l'on passe un excellent moment.
9/10
Chambre
212 de Christophe Honoré // Original et brillant //
12 octobre
2019
Après 20
ans de mariage et une dispute, Maria décide de quitter le domicile
conjugal et de s'installer dans l'hôtel d’en face. De là, elle a
une vue plongeante sur son appartement, son mari, son mariage.
Je n'avais
pas vu la bande-annonce et le synopsis m'intriguait. Le côté film
français indé m'inquiétait un peu, d'ailleurs l'aspect théâtral
de certaines scènes m'a parfois agacée. La première image ne sert
à rien, la véritable scène d'ouverture, vaudevillesque, est très
drôle et donne le ton. La suite s'enfonce dans l'esprit de Maria,
puis de Richard. L'un et l'autre se plongent dans un questionnement
intime : est-qu'on s'aime encore ? est-ce que l'amour finit avec la
fin du désir ? est-qu'on se désire encore quand nos corps changent
? peut-on se reconstruire après une rupture ? Chiara Mastroianni est
exceptionnelle en femme brillante et perdue, collectionnant les
jeunes amants séduisants, prête à défendre sa liberté. Vincent
Lacoste et Benjamin Biolay, deux faces d'une même pièce campent un
homme intéressant, tandis que Camille Cottin s'offre un personnage
mystérieux et complexe. Les dialogues, intelligents, affirment une
drôlerie caustique plaisante tandis que les regards, subtils,
dénotent l'émotion des personnages et parfois leur tristesse. J'ai
bien aimé la façon dont le réalisateur fait surgir l'intériorité
des personnages sous forme réelle avec une poésie décalée.
Honoré, virtuose, signe une œuvre aussi surréaliste qu'élégante.
Irrésistible.
9/10
Ma vie
avec John F. Donovan de Xavier Dolan // Magnifique //
14 mars 2019
Dix ans
après la mort d’une vedette de la télévision américaine, un
jeune acteur se remémore la correspondance jadis entretenue avec cet
homme, de même que l’impact que ces lettres ont eu sur leurs vies
respectives.
D'abord, je
ne comprends pas pourquoi Death and life of John F. Donovan est
devenu Ma vie avec... La traduction n'était tout de même pas si
complexe. Ensuite, j'avoue avoir hésité à voir le film car Kit
Harington ne me semblait pas être un acteur de nature à faire
naître la passion dévorante que suggère le synopsis, cf
l'improbable bluette ratée Pompéi dans laquelle il s'est commis il
y a quelques années. J'ai bien fait de tenter ma chance. Dolan
confirme qu'en plus de savoir choisir la musique, excellente, il est
un merveilleux directeur d'acteurs, il parvient à leur tirer des
expressions criantes de sincérité, malgré sa propension à parfois
sombrer dans le mélo frôlant l'invraisemblance. Ses choix de plan,
en revanche, sont plus discutables : il passe beaucoup de temps en
plan très serré sur les visages, parfois en contre-jour ou dans
l'ombre, au détriment de l'environnement. Je serais bien en peine de
décrire les décors. On retrouve ici l'un de ses thèmes fétiches :
la relation à la mère ainsi qu'au frère, les réunions de famille
bruyantes, homosexualité, mais aussi les affres de la célébrité
et celles de la fascination. Kit Harington étonne dans le rôle de
cette star montante qui essaie de cacher ses secrets et de vivre sa
vie malgré l'attention du public et des médias. L'adorable Jacob
Tremblay et Ben Schnetzer se partagent celui du fan qui, devenu une
star montante à son tour, publie les lettres échangées avec son
idole. Thandie Newton campe habilement une journaliste politique
d'abord agacée et sceptique, puis émue par cette étrange relation
et la vie finalement assez triste de Donovan. Susan Sarandon,
impériale de justesse, Nathalie Portman et Katie Bates jouent les
mères, réelles ou de substitution, qui accompagnent plus ou moins
bien les héros. C'est drôle comme ce film a un caractère intime,
émouvant, et immense à la fois. Certaines scènes émergent et
restent en mémoire, notamment trois : la réconciliation entre le
petit Rupert et sa mère, le quasi monologue de l'agent, le bain.
Comme tous les films de Dolan, celui-ci est trop, trop tout, mais
cette fois -encore- ça marche et le film emporte le tout.
9/10
Vita &
Virginia de Chanya Button // Racé, brillant, sensuel //
11 juillet
2019
Virginia
Woolf, brillante femme de lettres, et Vita Sackville-West,
aristocrate mondaine et auteur à succès, se rencontrent en 1922.
Commence une relation passionnelle qui fait fi des conventions
sociales et de leurs mariages respectifs.
Je connais
les auteurs par leurs livres, même si je n'ai pas lu toute leur
bibliographie, loin de là, mais peu leur vie. J'avais eu un aperçu
des Woolf via The hours. Il faut applaudir l'incarnation d'Elizabeth
Debicki, qui campe une Virginia à la fois éthérée et intense,
toujours sur le fil entre génie et folie et celle de Gemma Arterton,
dans le rôle plus matériel de Vita, passionnée, admirative et
gâtée. Le film ne néglige pas leurs conjoints respectifs –
impeccables Peter Ferdinando et Rupert Penry-Jones – dont le
soutien leur est indispensable. Button propose une reconstitution à
la fois élégante et vivante d'une Angleterre en pleine mutation de
l'entre deux guerres, entre châteaux et le passionnant Bloomsbury
Group. Le film réussit à traiter de l'inspiration, de la folie, de
concepts intellectuels tout en conservant sa chair. Au-delà des
questions philosophiques sur la vie, il est aussi question de
sexualité et de désir, sur fond d'une assez grande liberté, y
compris de parole. Trop léché pour être vrai ? Sans doute. Et
alors ?
9/10
Green
book // Magnifique //
26 janvier
2019
En 1962, en
pleine ségrégation, Tony la tchatche, un videur du Bronx, est
engagé pour conduire et protéger le Dr Don Shirley, un pianiste
noir de renommée mondiale, lors d’une tournée de concerts. Durant
leur périple jusqu’au Sud profond, ils s’appuient sur le Green
Book pour dénicher les établissements accueillant les personnes de
couleur.
Au vu des
critiques ultra-positives, je craignais que le film n'ait été
surestimé et d'être déçue. Même pas. Il est tout ce qu'il promet
: drôle, subtile, beau, humaniste. La photographie, superbe, met en
valeur ce road buddy movie à la fois classique et inattendu. On
assiste à la naissance d'une amitié surprenante entre un
Italo-américain peu éduqué, gouailleur, goinfre et bagarreur et un
musicien noir, esthète, élégant, longiligne et distant. Ce n'était
pas gagné d'avance, pourtant pas à pas, conversation après
conversation, à coups d'éclats de rire, de poulet frit et de
lettres à la Cyrano, la complicité apparaît. Viggo Mortensen
impose son charisme magnétique face à un Mahershala Ali d'une
grande sobriété. Ils sont notamment secondés par la formidable
Linda Cardellini, en épouse aimante et lucide. Inutile de dire que
la B.O est géniale. Plus qu'un film sur la tolérance et le racisme
(ordinaire, terrifiant de banalité, quotidien), un film touchant sur
l'amitié.
9/10
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