L'élégance des veuves d'Alice Ferney
Ceux qui me lisent savent à quel point j'ai aimé le film Éternité. Ce dernier est tiré d'un roman d'Alice Ferney, L'élégance des veuves. J'avais trouvé tout ce que je cherchais dans ma librairie lorsque la couverture d'un livre a attiré mon regard : l'affiche du film. Je n'ai pas manqué de l'acheter, évidemment.
Un
cycle sans fin pousse les femmes à se marier, à enfanter, puis à mourir.
Ainsi va le temps, secoué par le rythme des naissances et des morts,
quand le besoin de transmettre l'emporte sur le désespoir de la perte
d'un être cher. Un long fil de désir passe au travers des générations.
Alice Ferney (1961 - ), de sa véritable identité Cécile
Brossollet, épouse Gavriloff, a étudié à l'ESSEC puis soutenu une
thèse en sciences économiques à l'EHESS. Elle devient maître de
conférences à l'université d'Orléans. Ses thèmes principaux sont
la féminité, la différence des sexes, la maternité et le
sentiment amoureux. Grâce et Dénuement lui a valu le prix Culture et Bibliothèques pour tous en 1998. En 2014, elle publie Le Règne du vivant,
un « roman documentaire » inspiré de l'action du militant
écologiste Paul Watson pour protéger les baleines et lutter contre
la surpêche et le braconnage.
Ce roman court (125 pages) a l'élégance de son titre. Il se concentre sur deux générations : d'abord Valentine, la première veuve de l'histoire, résolue, puis la douce et féconde Mathilde et la sage Gabrielle. Ces femmes sont extraordinairement courageuses et attachantes, on aimerait les rencontrer. Leurs maris sont moins abordables, plus distants, mais tout aussi intéressants. Dans ce roman sans dialogue, il ne se passe rien, sinon
le cycle éternel de la vie des femmes, qui n'a pas tellement changé
finalement : le mariage, les naissances réjouissantes, les décès
déchirants.
Ferney place son récit pendant le début du XXème siècle, dans un milieu catholique bourgeois, quand le devoir des femmes consistait à enfanter. Elle rend cette obligation plus douce, parce qu'elle existait ainsi à cette époque et que la critique apparaît en filigrane, tant de l'absence de choix des femmes confinées dans la sphère familiale que du traitement que la société réserve aux veuves. Même si la femme d'aujourd'hui aurait beaucoup à dire sur ce mode de fonctionnement, la peinture paraît réaliste et il faut être indulgent quant à un passé révolu, enfin presque. Le fatalisme des femmes confine à l'abnégation et pourtant l'auteur vante une certaine douceur de vivre dans un quotidien satisfaisant, une forme de bonheur sans montagnes russes.
L'écriture, fine, intelligente, est aussi chaleureuse, sensible, généreuse. Le texte prend véritablement corps car l'auteur utilise un registre charnel et corporel sans fausse pudeur mais avec sensualité et une grande tendresse pour ces femmes admirables qui aiment sans faillir. Certains passages, sur l'amour, sur la maternité, sont magnifiques et singulièrement émouvants. Toutes les descriptions sont passionnantes, une dentelle d'une grande subtilité.
Une lecture mélancolique, délicate et voluptueuse.
9,5/10
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