Mélodie de Vienne de Ernst Lothar
Je suis tombée sur ce livre par hasard dans une petite librairie. La couverture m'a plu, la quatrième de couverture aussi ; je me suis lancée.
Dans un
immeuble cossu de Vienne, en 1888, la famille Alt occupe tous les étages. Leur
titre de noblesse ? Le piano sur lequel a joué Mozart, construit par
Christoph Alt, le fondateur. Des ateliers sortent encore des pièces
exceptionnelles. L'arrivée dans la famille de la trop belle et trop libre Henriette Stein,
d'origine juive qui plus est, sème le trouble.
Ernst Lothar,
de son vrai nom Ernst Lothar Müller (1890 – 1974) est un écrivain, directeur de
théâtre et scénariste autrichien.
Né à Brünn, il
est le frère de Hans Müller-Einigen, lui aussi écrivain. Leur famille
s'installe à Vienne en 1897 où Ernst Lothar devient docteur en droit en 1914.
D'abord procureur, il travaille ensuite au ministère du commerce autrichien, avant
d'abandonner sa carrière en 1925 pour se consacrer à la littérature. Jusqu'en
1933, il est critique à la Neue freie Presse. En 1935, il succède à Max
Reinhardt à la tête du théâtre de Josefstadt. En 1938, avec l'entrée de la
Wehrmacht en Autriche, il doit s'enfuir en France puis en 1939 à New York en
raison de ses origines juives. Il enseigne la littérature au Colorado College
de Colorado Springs. Il a écrit plusieurs romans dont Der Feldherr écrit en 1918, et L'Ange
à la trompette écrit en 1944. Il revint en Autriche après la guerre où il
participa à la dénazification du monde culturel autrichien. Il occupa ensuite
différents postes dans le monde du théâtre. Entre autres, il fut membre de la
direction du festival de Salzbourg de 1952 et 1959.
Le début du roman présente habilement les nombreux personnages qui peuplent le n°10, d'abord géographiquement, puis historiquement, notamment via un registre assez hallucinant. Ça constitue une sacrée somme d'informations à enregistrer mais on retient peu à peu les prénoms des membres de la famille et leur caractère, vu par la nouvelle venue, une jeune fille au passé amoureux trouble malgré sa jeunesse. Dommage, l'acariâtre tante Sophie disparaît vite, elle était pourtant drôle et prometteuse. L'auteur se penche alors sur les états d'âme d'Henriette dont on découvre peu à peu les motivations. Malheureuse, elle court à la catastrophe alors que son fils, nouveau protagoniste, se pose des questions, beaucoup, rencontre l'amour, part pour la guerre... Les Alt forment une famille disparate, engoncée dans ses vieux principes, ne supportant pas la différence mais refusant à ses membres le droit de s'éloigner. Un personnage intéressant ressort également, le conseiller aulique Stein, père d'Henriette, un érudit dont la relation avec sa fille est à la fois pleine de non-dits et de compréhension. Quant à Selma Rosner, le grand amour d'Hans, elle est fascinante : étudiante décalée, intellectuelle passionnée, comédienne de talent, épouse attentive. Il y a aussi Chris, qui devient sœur Agathe, qui apporte son aide dans les moments douloureux.
Lothar enchaîne les réflexions artistiques ou philosophiques, voire les conférences, entre les scénettes révélatrices de la façon de vivre de la bourgeoisie viennoise entre la fin du XIXème siècle et le milieu du XXème siècle. Véritable peinture d'un monde voué à disparaître, puis disparu dans la terreur nazie, ce roman met aussi en scène l'influence de la maison sur ses habitants, métaphore à peine voilée du poids de la famille sur ses membres. Car la maison, austère, humide, transforme ses habitants. Ils changent, se soumettent, tentent de se rebeller, en vain. La dernière partie concernant la montée du nazisme, puis l'Anschluss, est édifiante. Dans les livres d'histoire, on n'évoque l'Autriche que pour dire : annexion en 1938, point final. Et pourtant, la désagrégation de l'Autriche, commencée sous le règne du dernier empereur, François-Joseph, est consommée dans le sang.
L'auteur prend beaucoup de plaisir à décrire Vienne, l'esprit viennois, l'esprit autrichien, sa culture, sa musique. Comme la maison, c'est un personnage supplémentaire, complémentaire. Parfois, son plaisir se prolonge un peu trop et ses réflexions – car on ne peut douter que Lothar utilise ses personnages et notamment Hans pour faire état de ses propres pensées – s'étirent sur une longueur déraisonnable. Sans ennuyer tout à fait, certains passages donnent lieu à une lecture en diagonale.
Une lecture riche et intéressante.
Lothar enchaîne les réflexions artistiques ou philosophiques, voire les conférences, entre les scénettes révélatrices de la façon de vivre de la bourgeoisie viennoise entre la fin du XIXème siècle et le milieu du XXème siècle. Véritable peinture d'un monde voué à disparaître, puis disparu dans la terreur nazie, ce roman met aussi en scène l'influence de la maison sur ses habitants, métaphore à peine voilée du poids de la famille sur ses membres. Car la maison, austère, humide, transforme ses habitants. Ils changent, se soumettent, tentent de se rebeller, en vain. La dernière partie concernant la montée du nazisme, puis l'Anschluss, est édifiante. Dans les livres d'histoire, on n'évoque l'Autriche que pour dire : annexion en 1938, point final. Et pourtant, la désagrégation de l'Autriche, commencée sous le règne du dernier empereur, François-Joseph, est consommée dans le sang.
L'auteur prend beaucoup de plaisir à décrire Vienne, l'esprit viennois, l'esprit autrichien, sa culture, sa musique. Comme la maison, c'est un personnage supplémentaire, complémentaire. Parfois, son plaisir se prolonge un peu trop et ses réflexions – car on ne peut douter que Lothar utilise ses personnages et notamment Hans pour faire état de ses propres pensées – s'étirent sur une longueur déraisonnable. Sans ennuyer tout à fait, certains passages donnent lieu à une lecture en diagonale.
Une lecture riche et intéressante.
7/10
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