Le garde du cœur de Françoise Sagan

J'adore Sagan et sa célèbre petite musique. J'ai déjà lu une vingtaine d'ouvrages, sur une quinzaine ans. En 2015, je suis tombée sur un titre qui ne me disait rien, un petit volume parfait pour le train.
Je l'ai relu à la faveur d'un fantastique week-end normand.  
Dorothy, une scénariste de 45 ans, séduisante et désabusée, recueille chez elle un étrange jeune homme qui va prendre une place croissante voire envahissante dans sa vie, aux dépens de Paul, son amant.
D'avance, veuillez pardonner la longueur de cette partie biographique, je ne pouvais pas faire moins à propos du charmant petit monstre et de sa vie passionnante.


Issue d'une famille d'industriels aisés Françoise Sagan (1935 – 2004) écrit Bonjour tristesse, son premier roman, dont elle emprunte le titre à un vers d'Éluard, publié chez Julliard, durant l'été 1953. Son père ne voulant pas que son nom apparaisse, Françoise Quoirez devient Françoise Sagan. Elle obtient le prix des Critiques et connaît un succès immédiat. Son deuxième roman Un certain sourire paraît en 1956. Happée par le succès et l'argent, Sagan est fascinée par le jeu et les voitures. Le 14 avril 1957, elle est victime d’un grave accident après lequel on lui administre un dérivé morphinique. À sa sortie de l’hôpital, elle entame une cure de désintoxication dont elle tient le journal : Toxique. Cette première cure de désintoxication est un échec, elle se met à boire, ce qui lui provoque une polynévrite douloureuse. En 1958, elle épouse l'éditeur Guy Schoeller dont elle divorce en 1960 pour se marier deux ans plus tard avec un mannequin américain Robert Westhoff, avec qui elle a un fils, Denis Westhoff, en 1962. Le couple divorce rapidement mais poursuit la vie commune avant de se séparer en 1972. Son grand amour est la styliste Peggy Roche qui, jusqu'à sa mort en 1991, fut sa compagne. Sagan a vécu entourée d'un petit cercle d'intimes dont Bernard Frank, Florence Malraux, Jacques Chazot et Juliette Gréco. Elle gagne beaucoup d'argent et se montre très généreuse.
A l'écart des batailles littéraires, Françoise Sagan écrit une vingtaine de romans : 30 millions de livres vendus en France, de nombreuses traductions. Elle publie régulièrement, connaît chaque fois de grands succès de librairie malgré la critique agacée. Le théâtre tient une place importante dans son œuvre mais avec un succès en dents de scie. Elle a aussi écrit des nouvelles, des scénarios, des biographies, des fragments d'autobiographie et même des chansons pour Juliette Gréco. Sagan est engagée politiquement. Par exemple, en 1971, elle signe le Manifeste des 343 salopes et elle fait don de ses droits polonais à Solidarność. Elle a été proche de François Mitterrand. Après la mort de son frère Jacques en 1989, la disparition en 1991, de Peggy Roche est un choc pour Françoise Sagan. En quelques années, elle perdra également ses parents, Jacques Chazot, Robert Westhoff. Ses ennuis de santé ne lui laissent aucun répit. Elle défraie la chronique avec les affaires de drogues en 1988 et 1995 et de fraude fiscale dans l'affaire Elf en 2002. Elle est condamnée à un an d'emprisonnement avec sursis pour fraude fiscale et doit acquitter d'importantes pénalités. Ruinée, elle est recueillie par sa dernière compagne, Ingrid Mechoulam, épouse d'un millionnaire, qui la soigne et la soutient jusqu'à la fin, rachetant ses maisons et ses meubles au rythme des saisies, l'isolant aussi. Elle cesse d'écrire après son roman Le Miroir égaré publié en 1996. En 1998, la romancière avait rédigé son épitaphe : "Sagan, Françoise. Fit son apparition en 1954, avec un mince roman, Bonjour tristesse, qui fut un scandale mondial. Sa disparition, après une vie et une œuvre également agréables et bâclées, ne fut un scandale que pour elle-même."
 
Dans ce livre, on retrouve les thèmes chers à Sagan : la jeunesse, la bourgeoisie intellectuelle et artistique, les voitures, l'alcool. Tout cela étant incarné par Dorothy, femme approchant l'âge mûr (son âge est sans cesse répété), encore séduisante, charmante, cultivée, mondaine, buvant trop mais l'admettant volontiers, à la moralité douteuse mais s'en inquiétant finalement à peine. Paul est un homme amoureux et finalement accommodant. La petite musique de l'auteur change un peu avec le personnage de Lewis, sociopathe tout à tour inquiétant et attendrissant, grand gamin à la beauté dangereuse et à la tendresse touchante. On évolue dans le milieu hollywoodien des sixties, avec ses fêtes, ses stars, ses hypocrisies.
L'écriture est fluide, on suit les petites aventures des protagonistes avec plaisir. Pas de vrai suspense, mais une réelle curiosité pour la réaction -étrange il faut bien l'admettre- de Dorothy face au comportement à la fois violent et protecteur de Lewis. C'est un roman court (trop), délicieux, léger, parfois drôle, comme toujours baigné d'une douce mélancolie. 
 
9/10

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