L'héritage Belton d'Anthony Trollope

J'avais déjà lu une œuvre de Trollope, Miss Mackenzie. Je dois avouer qu'elle ne m'a pas laissé un souvenir impérissable, dans un sens comme dans l'autre. En voyant L'héritage Belton sur l'étal de la librairie, c'est d'abord la couverture qui m'a intéressée. La situation décrite en 4ème de couverture m'a fait pensé à Jane Austen, je me suis lancée.
 
  
Clara Amedroz, toujours célibataire à 25 ans, est la seule fille du vieux châtelain de Belton Castle (Somersetshire). Ce dernier a dilapidé sa fortune pour assouvir les extravagances de son fils, qui vient de se suicider, de sorte que le domaine doit revenir à son cousin par alliance, Will Belton. Aimable et généreux, quoique très franc, celui-ci offre d’épouser Clara. Sensible à ses qualités, elle ne s’en croit pas moins éprise du très courtois mais fuyant capitaine Frederic Aylmer, membre du Parlement, auprès duquel Will fait pâle figure. Aussi, lorsque Aylmer se décide enfin à demander sa main, Clara s’empresse-t-elle d’accepter ce prestigieux parti. Son bonheur sera de courte durée : Aylmer se révèle un homme froid et snob, qui ne songe qu’à son confort et soumet sa fiancée à la férule de sa mère…
 
Fils d'un avocat désargenté et d'une romancière à succès, Anthony Trollope (1815-1882), nommé inspecteur des postes, parcourt la province anglaise où il puise les intrigues de cycles romanesques qui feront dire à Tolstoï : "Trollope me tue avec sa maîtrise !". Il écrit notamment lors des longs trajets en train qu'il doit effectuer pour son travail. Dès le départ, il s'est fixé des règles très strictes concernant le nombre de pages à écrire chaque matin. Cette discipline, à laquelle il ne faillit jamais, lui permet de devenir l'un des écrivains les plus prolifiques de tous les temps. Ses premiers romans sont inspirés par la boite dite des « dead letters ». Beaucoup de ses premiers romans ont l'Irlande pour cadre, ce qui, pour d'évidentes raisons politiques, lui vaut un accueil plutôt distant et réservé de la part de la critique. Au milieu des années 1860, Trollope est élevé à un grade important dans la hiérarchie des Postes. C'est l'époque où ses romans commencent à lui rapporter des sommes importantes. Candidat malheureux du parti libéral, il abandonne la politique et se consacre à sa carrière littéraire. Il publie en 1875 une fresque satirique tirée de son expérience politique, Quelle époque !. La popularité de Trollope et son succès critique pâlissent dans les dernières années de sa vie, mais il continue d'écrire avec la même verve.
En tout, Trollope a écrit quarante-sept romans, ainsi que des douzaines de nouvelles et quelques livres de voyage.
 
Le roman peine à démarrer mais devient assez addictif grâce à des chapitres bien liés et plutôt courts. C'est bien écrit même si les apostrophes de l'auteur au lecteur sont agaçantes. J'ai d'ailleurs cru comprendre qu'Henry James était du même avis sur ce point. L'autre point fort de cette histoire somme toute assez simple de triangle amoureux, c'est la modernité de son héroïne. Clara est une jeune femme qui se trompe, s'enfonce dans son erreur jusqu'à ce que sa fierté l'oblige à réagir. Elle croit aimer, se cache la vérité, se débat dans ses sentiments tout en faisant face à un scandale dont elle refuse les conséquences sur ses amitiés. Quoique Clara vive au milieu du XIXème siècle, le lecteur -ou plutôt la lectrice dans mon cas- peut s'identifier à cette jeune femme.
 
D'autre part, la peinture de la société anglaise de cette période est parfois cruelle, toujours juste et sincère bien que légèrement outrée. L'auteur ne peut s'empêcher d'appuyer certaines descriptions de personnages afin, semble-t-il que le lecteur soit bien convaincu que ces derniers ne sont pas manichéens. Il est vrai qu'ils ne le sont pas, l'étude de caractère est fine et parfaitement réalisée.
 
Trollope dénonce la situation des femmes, toujours dépendantes d'un homme, que ce soit leur père, leur frère, leur mari, ou à défaut leur cousin. Pourtant, il ne peut se défendre de quelques interprétations un peu machistes de leur comportement, entre la dévote, le dragon manipulateur, la scandaleuse et l'idiote. La sœur de Belton s'en sort bien mieux mais elle est physiquement contrefaite. Quant à Clara, elle fait preuve d'un entêtement et d'un aveuglement coupables dénoncés à demi-mots par l'auteur dont le final -guère surprenant- rétablit les choses selon leur ordre naturel. Les hommes s'en tirent un peu mieux, notamment le cousin Belton. Toutefois, l'indépendance manifestée par l'héroïne contrebalance ce penchant sans doute dû à la façon de penser commune de l'époque.
 
En bref, L'héritage Belton est un livre agréable et intéressant, plutôt moderne malgré quelques éléments qui rappellent l'époque à laquelle il a été écrit.

7/10

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