Les dames de Kimoto de Sawako Ariyoshi

 On m'a inopinément offert ce livre que j'ai dévoré à la faveur d'un voyage en train. 
Elles sont trois, ces dames de la famille Kimoto, avec leurs amours, leurs passions, leurs drames qui nous racontent le destin de la femme japonaise de la fin du XIXe siècle à aujourd'hui. 
 
Originaire de Wakayama, Sawako Ariyoshi (1931 - 1984) est la fille d'un banquier et d'une femme au foyer engagée dans la mouvance féministe. En 1949, sous l'occupation américaine, elle entame des études de littérature anglaise à l'université chrétienne de Tokyo pour les femmes, dont elle sort diplômée en 1952. Elle a aussi appris le kabuki, la tradition théâtrale japonaise. Lors de compétitions littéraires organisées par le magazine Le Monde du Théâtre, ses essais sur des acteurs de théâtre sont remarqués. Après la fin de ses études, Sawako est embauchée par une maison d'édition et contribue à des revues littéraires. Sa carrière d'écrivaine commence véritablement en 1954 avec la rédaction de critiques théâtrales, de scénarios pour la télévision et la radio et la publication de nouvelles. De 1959 à 1961, elle fait plusieurs voyages de recherche, aux États-Unis, en Angleterre et en Chine. Du milieu des années 1950 jusque vers la fin des années 1970, elle maintient une production littéraire abondante qui pèse sur sa santé. Elle est contrainte de diminuer le rythme de ses publications à partir de 1978, et décède en 1984 des suites d'une insuffisance cardiaque la même année.
Sawako Ariyoshi laisse derrière elle plus d'une centaine d'œuvres littéraires : des romans, des nouvelles, des pièces de théâtre, des essais de critiques théâtrales et des scénarios pour la télévision ou le cinéma. Plusieurs de ses créations ont été adaptées pour le théâtre, le petit ou le grand écran. Au début des années 1990, ses principaux succès d'édition ont été traduits en chinois, anglais et français. 
Dans nombre de ses créations, l'écrivaine japonaise démontre un attachement aux arts traditionnels, à la culture et l'histoire nationales. Le traitement de sujets politiques ou sociétaux par la romancière ont sensibilisé l'opinion publique japonaise et parfois suscité des polémiques. À travers des portraits de caractères féminins forts, elle a développé une critique de l'institution familiale traditionnelle japonaise, tout en faisant preuve d'un grand humanisme. 
 
Je ne sais pas si Sawako Ariyoshi est la Simone de Beauvoir du Japon, vu que je n'ai pas lu la seconde. Cependant, je crains que leur seul point commun soit un certain féminisme. Car Les dames de Kimoto est une œuvre féministe, non en ce qu'elle décrit le destin trois générations de femmes – presque quatre en réalité, mais en ce qu'elle décrit précisément la position de celles-ci dans la société japonaise du début du XXème siècle. J'ai eu l'impression que l'auteur prône la conciliation entre l'indépendance et le respect des traditions. Il me semble qu'elle s'est inspirée de son histoire familiale pour ce roman car le personnage de Fumio paraît ressembler à sa mère, de même que son mari (une femme au foyer féministe, un banquier qui est muté à l'étranger, une famille qui se réfugie à la campagne pendant les bombardements...). 
Le roman décrit les traditions japonaises, les menus évènements ou de grande occasion du fond de Grande histoire, la nature qui évolue au fil des saisons immuables. L'utilisation intelligente des ellipses  permet de rendre la lecture fluide. Il s'attarde sur les liens entre les générations et la transmission, notamment des savoirs ancestraux, comme le koto ou la cérémonie du thé. Comme l'écoulement du fleuve Ki, le récit se déroule lentement, délicatement, par petites touches, avec d'infinies nuances. 
Parce qu'il est assez court, le roman ne développe que peu de personnages. Hana, élevée par sa grand-mère, Toyono, est éduquée et intelligente. Ainsi, non seulement elle soutient son époux, mais elle est aussi à l'origine de sa réussite, même si elle semble complètement soumise. Fumio, moins élégante, plus cabrée, repousse tout le comportement maternel au profit d'un féminisme mêlé de socialisme dur, dont elle se détournera avec le temps. Hanako, marquée par la guerre et ses conséquences, essaie de trouver son chemin entre tradition et modernité. Parmi les hommes, seuls le mari et le beau-frère de Hana trouvent leur place, le premier, un propriétaire terrien et homme politique animé par le bien commun, le second que sa condition de cadet rend amer et plein de sarcasme. Ariyoshi aurait pu se montrer plus prolixe. C'est un bon défaut. 
Au final, j'ai plus pensé à Jane Austen qu'à Simone de Beauvoir, notamment grâce à sa peinture détaillée d'un microcosme social. Et c'est un compliment.

9/10

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