Lady Susan, Les Watson et Sanditon de Jane Austen

 J'ai déjà lu ce roman court et ces deux débuts il y a quelques années mais reconfinement oblige, je me suis relancée. 


    Lady Susan met en scène une veuve souhaitant privilégier sa liberté. Désargentée, elle est contrainte d'emménager chez son beau-frère, un riche banquier, et cherche à tout prix un bon parti. Or, au jeu de l'amour, les conventions sociales l'emportent souvent... 
    Dans Les Watson, Emma doit retourner vivre parmi les siens après de longues années d'absence. Mais comment combler le fossé qui s'est creusé entre eux... et espérer rencontrer l'amour ? 
    Sanditon, roman inachevé, s'amuse de la prétention des Parker, décidés à faire de leur bourgade un lieu à la mode...

Jane Austen (1775-1817) grandit dans une famille de pasteurs, entourée de huit frères et sœurs. Bien que vivant modestement, George et Cassandra Austen initient leurs enfants à l'amour de la lecture et la connaissance des arts. Dès l'âge de 11 ans, Jane écrit. Son éducation ainsi que celle de sa sœur Cassandra, dont elle restera très proche jusqu'à sa mort, se fera principalement dans le domaine familial. En 1801, la famille Austen s'installe à Bath et quatre ans plus tard, le père de Jane décède. L'auteur ne se mariera pas et consacrera sa vie à l'éducation de ses neveux et nièces et à l'écriture. Raison et sentimentsOrgueil et préjugés et Mansfield Park sont publiés successivement en 1811, 1813 et 1814. Elle laisse derrière elle un roman inachevé, Sanditon, emportée par la maladie à l'âge de 41 ans.
L'auteur ne connut pas le succès de son vivant, bien que ses pairs l'aient estimée et ne fut redécouvert qu'à la fin du XIXe siècle. Aujourd'hui, son talent de peintre des mœurs et de la province anglaise font d'elle un des auteurs pré-victoriens les plus connus. Elle a utilisé la cruauté du verbe, un humour décalé et une ironie mordante pour effectuer une critique sociale ainsi qu'une critique des romans sentimentaux en vogue à l'époque.

Lady Susan. Ce roman épistolaire court et plein d'ironie nous dépeint le caractère de lady Susan, une veuve gênée financièrement qui souhaite faire un bon mariage et marier sa fille qu'elle n'aime pas, quoi qu'elle s'en défende. Ce personnage est un condensé de défauts – de mauvaise foi, capricieuse, vaniteuse, coquette, menteuse, manipulatrice, ce qui constitue un risque pour un rôle titre malgré des qualités bien réelles : intelligence, vivacité, conversation agréable. Face à elle, sa belle-sœur, condensé de modération, qui lutte pour sauver son frère célibataire du mauvais pas dans lequel il semble prêt à se lancer et protéger sa nièce, candide jeune fille terrifiée par sa mère. Malgré l'aversion qu'inspire lady Susan, on ne peut que se délecter de ses plans et de sa profonde certitude d'être dans son droit, de mériter ce qu'elle tente d'extorquer. Elle a aussi un aspect très moderne : elle veut séduire, jouir de la vie, flirter et ne pas se préoccuper des conséquences car les autres ne sont que quantité négligeable. 
L'aspect épistolaire m'a plu par son côté suranné. De plus les lettres sont courtes, ce qui permet une lecture fluide. Les traits d'esprit fusent, notamment de la part de la contre-héroïne, ou lors de ses échanges avec Mrs. Vernon qui ne se laisse pas abuser. On peut regretter que l'auteur n'ait pas pu ou voulu transformer cette œuvre de jeunesse en roman plus approfondi. 

Les Watson. Jane Austen a laissé tomber ce début de roman autour de 1805, après la mort de son père, ce qui, au vu de la suite prévisible, est bien compréhensible. Elle suit les débuts d'Emma dans la société de sa famille qu'elle a quitté quatorze ans plus tôt pour être élevée par une tante et son mari, plus fortunés. Éduquée, celle-ci se retrouve catapultée dans un milieu plus pauvre avec une fratrie insupportable à l'exception notable d'une sœur et une liste impressionnante de prétendants potentiels. Une bonne partie du roman est occupée par un bal – s'y préparer et en parler, y aller, en revenir et en reparler. S'il est instructif sur les mœurs de l'époque austenienne, il manque un peu de piquant à part quelques traits d'humour. Sans doute l'auteur aurait-elle effectué des corrections, des modifications dont le manque rend le contenu un peu moins fluide que d'habitude. Cette Emma manque d'un je-ne-sais-quoi qu'ont habituellement ses héroïnes, de l'esprit peut-être. Ou la comparaison avec lady Susan ne lui est peut-être pas profitable. Cela reste un début prometteur. 

Sanditon. Ce roman a été commencé alors que Jane Austen était déjà malade et c'est son état qui l'a contrainte à cesser d'y travailler. On ne s'étonne pas, dès lors, que l'un des sujets abordés soit la maladie et l'hypocondrie. L'intrigue se déroule dans une station côtière du Sud de l'Angleterre que l'enjoué et bavard Mr. Parker essaie de développer avec la mesquine et autoritaire Lady Denham. Charlotte arrive dans ce lieu en observatrice – un peu trop. Elle découvre les habitants et leurs travers au fur et à mesure, parfois horrifiée par leur bêtise ou leur attitude. Ainsi, sir Edward se voit affligé d'une logorrhée verbale abominable qui l'oblige à faire de longs discours alambiqués remplis de mots compliqués qui lassent autant qu'ils amusent. Il a l'idée d'enlever une jeune fille comme dans les romans "romantiques" qu'il lit, mais le pauvre n'a pas les moyens de son ambition ridicule. Sa sœur fait la tête excepté lorsqu'il s'agit de se faire bien voir de celle qui pourrait la coucher sur son testament. Diana, parfaitement en forme, déploie une activité ridicule tout en se plaignant de souffrir de maux divers et variés. Arthur semble d'une indolence crasse, seulement intéressé par la nourriture, et doté d'une allergie au thé vert dès plus extraordinaires. Seule Clara Brereton paraît échapper au jugement de Charlotte jusqu'à ce que celle-ci l'aperçoive dans une situation qui pourrait être inconvenante. Sydney Parker, le frère dont l'ironie m'aurait plu d'après la description qu'en fait son frère, ne fait qu'une brève apparition. Les personnages secondaires sont traités de façon comique, ils font volontiers sourire. J'aurais aimé voir si Charlotte restait aussi moralisatrice ou si elle évoluait et dans quel sens. Ça aurait pu être un roman très drôle et différent des six du canon. 

Pour finir, la lecture de ce roman court et de ces deux "débuts" m'ont ravie, bien qu'à des degrés différents. J'aurais aimé en avoir plus, même si je crains de lire les suites rédigées par d'autres auteurs. Peut-être finirai-je par me laisser tenter... 

8/10


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