Persuasion de Jane Austen
Poursuite de la relecture des romans de Jane Austen dans leur traduction par Pierre Goubert. Cette fois, Persuasion, l'un de ceux que j'ai le moins aimé à la première lecture et l'un de ceux que je préfère désormais.
Persuadée par son amie Lady Russel, Anne, seconde fille de l'honorable Sir Elliot de
Kellynch, a rompu ses fiançailles
avec Frederick Wentworth, un officier de marine pauvre, car il ne
présentait pas les assurances d'un bon parti. Huit ans plus tard, son père doit louer le château
familial à l'amiral Croft, le beau-frère de Frederick. Alors que s'achève la
guerre avec la France, le capitaine Wentworth, fortune faite, revient avec le
désir de se marier pour fonder un foyer tandis qu'Anne appréhende de revoir celui qui est resté son grand amour.
L'auteur ne connut pas le succès de son vivant, bien que ses pairs l'aient estimée et ne fut redécouvert qu'à la fin du XIXe siècle. Aujourd'hui, son talent de peintre des mœurs et de la province anglaise font d'elle un des auteurs pré-victoriens les plus connus. Elle a utilisé la cruauté du verbe, un humour décalé et une ironie mordante pour effectuer une critique sociale ainsi qu'une critique des romans sentimentaux en vogue à l'époque.
Persuasion est le dernier roman complet de Jane Austen, achevé en août 1816,
un an avant sa mort. Il a été publié à titre posthume. D'un ton plus grave, plus mélancolique que les précédents, il se déroule entièrement en automne et en hiver. L'écriture s'intéresse beaucoup à l'intériorité d'Anne. En effet, ce personnage, négligé par sa famille, a une vie intérieure riche qui lui permet de survivre à la vie de famille dans un cercle restreint. Son père, un vaniteux imbécile, n'en a que pour sa fille aînée, qui lui ressemble en tout point et calque sa conduite sur la sienne. Quant à la benjamine, hypocondriaque s'imaginant toujours lésée de quelque chose, elle apprécie au moins les services que sa sœur lui rend tout en les trouvant dus. Anne est soutenue par une amie de sa mère qui l'aime beaucoup mais est souvent empêchée par ses préjugés sociaux. En vieille fille sans espoir de mariage et donc fardeau familial, elle s'attache à se rendre utile et observe les gens vivre autour d'elle, s'autorisant parfois à les trouver ridicules mais sans jamais oublier son devoir et la bienséance, si bien qu'elle garde ses pensées pour elle. C'est un personnage réservé qui nécessite qu'on prenne le temps de l'apprécier. Sa modération, son calme peuvent agacer le lecteur qui a envie qu'elle se révolte contre sa famille, qu'elle ose une conversation franche avec Wentworth dès le début. Mais ce serait oublier le contexte historique bien différent du nôtre et de nos mentalités.
On suit tous ses discours intérieurs quand elle se retrouve fortuitement en présence de son ancien fiancé, Frederick Wentworth, un marin dynamique et enrichi, nettement mieux entouré qu'elle par sa sœur et son mari, et des amis marins, notamment les capitaines Harville et Benwick. Quoique l'auteur amène une réflexion sur la persuasion, ce n'est pas le seul thème du roman. C'est aussi le constat plein d'ironie d'un certain déclassement de la gentry terrienne trop attachée à ses privilèges qui n'a pas su faire fructifier son patrimoine face à la classe montante des militaires qui s'élèvent grâce à leur mérite. Ce roman a un rythme particulier, d'abord lent et très introspectif, il commence à accélérer avec l'arrivée à Bath, ce qui correspond au contraste vie à la campagne - vie en ville. Il connaît une sorte d'explosion finale avec les révélations de bon aloi et la conclusion nécessairement heureuse.
9,5/10
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