Le flux et le reflux d'Agatha Christie
J'avoue, j'adore le téléfilm adapté de ce roman. Je cherchais le roman depuis un moment mais je l'ai seulement trouvé l'année dernière (critique en avril 2018, légèrement mise à jour suite à relecture). Miam !
Gordon Cloade est mort fort mal à propos sous les décombres de sa maison
ravagée par le blitz. Il laisse à sa jeune veuve, Rosaleen, une
fortune colossale et cela, évidemment, ne fait pas l'affaire du clan
Cloade qui se voit spolié par l'intruse. Or, le
bruit court que le premier mari de Rosaleen ne serait pas mort, ce
qui, bien entendu, aurait pour effet d'annuler le second mariage. Ces situations troubles sont pain bénit pour les maîtres chanteurs.
En voici justement un qui fait chanter la jeune femme. Pas très
longtemps : la bonne de
l'auberge où l'individu est descendu trouvera, dans sa chambre, un
bien vilain spectacle...
Agatha Christie, née Agatha Mary Clarissa Miller (1890 - 1976),
surnommée la « Reine du crime » est considérée comme l'auteur le
plus lu chez les Anglo-Saxons après Shakespeare. Elle a écrit
plusieurs romans sous le pseudonyme de Mary Westmacott. C'est aussi
l'auteur le plus traduit dans le monde. Elle a publié 66 romans, 154
nouvelles et 20 pièces de théâtre. Ses romans et nouvelles ont été maintes fois
adaptés au cinéma ou à la télévision.
Le premier chapitre, délicieux, expose la mort de Gordon Cloade dans un bombardement, racontée par un raseur dans un club qui a pour auditeur un Hercule Poirot tout à fait attentif... et un membre de la famille Cloade qui ne l'est pas moins.
Nous suivons ensuite la famille Cloade et les Hunter dans leur milieu naturel, la campagne. Les uns quémandent, toujours à court d'argent, entre mauvaise gestion et incapacité à se passer d'un deuxième jardinier, les autres sont en position de force. La naïve et craintive Rosaleen qui a l'air d'un agneau conduit à l'abattoir - Rowley dit un veau - se montrerait bien plus généreuse mais son frère, le charismatique David, décrit comme un fauve utile en temps de guerre mais inadapté à la vie civile, n'a pas l'intention de laisser échapper le magot, tandis que Lynn observe et tergiverse. Va-t-elle épouser Rowley, agriculteur à la lenteur calculée, resté à la ferme pendant le conflit, fort comme un taureau mais tellement pragmatique, peut-être un rien ennuyeux ? Ou se laisser séduire par le dangereux David ? Le duo Lynn-David est particulièrement intéressant. Elle pourrait être agaçante si elle n'avait une certaine profondeur, elle se sent en décalage après l'agitation et l'engagement de la guerre, s'interroge sur sa place dans l'ordre des choses. Lui, fascinant, vénéneux, se trouve dévié du chemin qu'il s'est tracé par l'arrivée de cette dernière dont il tombe immédiatement amoureux. Ils sont accompagnés de personnages secondaires intéressants, notamment Frances Cloade, dénuée de scrupule mais pas d'intelligence, loin de là, et l'ineffable tante Kathie, positivement timbrée.
Hercule Poirot apparaît à partir de la seconde partie, il écoute beaucoup, essaie d'aider, n'y parvient pas toujours. Sa suffisance sans malice amuse, son intelligence impressionne toujours.
Christie semble reprocher ici à Gordon Cloade d'avoir tant habitué sa famille à son soutien financier et de l'en avoir privée par son imprévoyance soudaine et son coup de cœur pour une très jeune femme, plus ou moins actrice, et plus ou moins veuve. Elle apprécie les Cloade, cela se ressent dans sa façon de les décrire, ils l'amusent. J'ai aimé la description en filigrane de l'Angleterre d'après-guerre : appauvrie, obligée de se rationner et de faire la queue devant les magasins, marquée par les combats et les bombardements. Hommes et femmes ont des difficultés à se réadapter au quotidien, tandis que Poirot, égal à lui-même, cherche la vérité dans les âmes, sachant s'imposer quand tout le monde voudrait le voir partir et se taire quand il juge que c'est nécessaire. Suranné et si délicieux.
A noter : le téléfilm, même si je l'adore, notamment grâce à l'interprétation d'Eliott Cowan, modifie pas mal l'histoire, la complexifie, sans doute pour tenir 1h30, cependant, l'essentiel est conservé : les personnages et leurs motivations. Je regrette tout de même que la fin ait été modifiée, sans doute pour un rendu plus moderne.
9/10
Le premier chapitre, délicieux, expose la mort de Gordon Cloade dans un bombardement, racontée par un raseur dans un club qui a pour auditeur un Hercule Poirot tout à fait attentif... et un membre de la famille Cloade qui ne l'est pas moins.
Nous suivons ensuite la famille Cloade et les Hunter dans leur milieu naturel, la campagne. Les uns quémandent, toujours à court d'argent, entre mauvaise gestion et incapacité à se passer d'un deuxième jardinier, les autres sont en position de force. La naïve et craintive Rosaleen qui a l'air d'un agneau conduit à l'abattoir - Rowley dit un veau - se montrerait bien plus généreuse mais son frère, le charismatique David, décrit comme un fauve utile en temps de guerre mais inadapté à la vie civile, n'a pas l'intention de laisser échapper le magot, tandis que Lynn observe et tergiverse. Va-t-elle épouser Rowley, agriculteur à la lenteur calculée, resté à la ferme pendant le conflit, fort comme un taureau mais tellement pragmatique, peut-être un rien ennuyeux ? Ou se laisser séduire par le dangereux David ? Le duo Lynn-David est particulièrement intéressant. Elle pourrait être agaçante si elle n'avait une certaine profondeur, elle se sent en décalage après l'agitation et l'engagement de la guerre, s'interroge sur sa place dans l'ordre des choses. Lui, fascinant, vénéneux, se trouve dévié du chemin qu'il s'est tracé par l'arrivée de cette dernière dont il tombe immédiatement amoureux. Ils sont accompagnés de personnages secondaires intéressants, notamment Frances Cloade, dénuée de scrupule mais pas d'intelligence, loin de là, et l'ineffable tante Kathie, positivement timbrée.
Hercule Poirot apparaît à partir de la seconde partie, il écoute beaucoup, essaie d'aider, n'y parvient pas toujours. Sa suffisance sans malice amuse, son intelligence impressionne toujours.
Christie semble reprocher ici à Gordon Cloade d'avoir tant habitué sa famille à son soutien financier et de l'en avoir privée par son imprévoyance soudaine et son coup de cœur pour une très jeune femme, plus ou moins actrice, et plus ou moins veuve. Elle apprécie les Cloade, cela se ressent dans sa façon de les décrire, ils l'amusent. J'ai aimé la description en filigrane de l'Angleterre d'après-guerre : appauvrie, obligée de se rationner et de faire la queue devant les magasins, marquée par les combats et les bombardements. Hommes et femmes ont des difficultés à se réadapter au quotidien, tandis que Poirot, égal à lui-même, cherche la vérité dans les âmes, sachant s'imposer quand tout le monde voudrait le voir partir et se taire quand il juge que c'est nécessaire. Suranné et si délicieux.
A noter : le téléfilm, même si je l'adore, notamment grâce à l'interprétation d'Eliott Cowan, modifie pas mal l'histoire, la complexifie, sans doute pour tenir 1h30, cependant, l'essentiel est conservé : les personnages et leurs motivations. Je regrette tout de même que la fin ait été modifiée, sans doute pour un rendu plus moderne.
9/10
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